En 2001 l'UE a dressé une liste des organisations terroristes, sur le modèle des États-Unis, et a procédé au gel de leurs avoirs. Il est difficile de savoir comment la sélection de ces organisations est effectuée. La manière dont la décision est prise de les retirer de la liste est encore moins claire.
L'UE a en outre déclaré, là encore en s'inspirant directement des Etats-Unis, que les organismes à but non lucratif sont exposés à un risque important de se faire manipuler pour financer des activités terroristes. Ce secteur est ainsi pointé du doigt alors qu'il n'y a aucune preuve substantielle de ce que ce prétendu risque. Pour le contrer, l'UE travaille actuellement à l'élaboration d'un code de conduite destiné aux organismes non lucratifs. Son but est de les protéger des tentatives de manipulation des organisations terroristes. (Des indicateurs avaient été définis dans une première version. Selon ces indicateurs, la Commission européenne [CE] aurait elle-même été considérée comme « à risque » pour ne pas avoir mis à jour son site Internet au cours des douze derniers mois. Quiconque connaît un peu le site Internet d'EuropeAid comprendra ce que je veux dire !) La suite de l'élaboration de ce code sera confiée à un groupe de contact que l'UE a prévu de mettre en place au cours des prochains mois. Il sera composé de 15 membres du secteur des organismes non lucratifs et constituera un espace important dans lequel les ONG pourront s'engager.
Les effets de ces évolutions sur les organisations de la société civile (OSC) sont nombreux et sérieux :
- Une culture de suspicion à l'égard du secteur des ONG dans son ensemble est en train d’être créée. Le secteur est de plus en plus souvent présenté comme un élément du problème et non de la solution. Cela est particulièrement dommageable pour ce secteur dont l'activité repose sur la confiance. La perte de confiance entraînera de graves conséquences sur l'efficacité de l'action des ONG ainsi que sur leurs ressources financières.
- Les recherches conduites aux États-Unis suggèrent que les mesures antiterroristes ont entraîné une diminution des financements pour le monde en développement, en particulier dans les régions en situation de crise (la Palestine par exemple), les organisations considérant qu’il est trop dangereux de s'y engager. Cela montre que les mesures antiterroristes peuvent être contre-productives dans la mesure où elles nuisent à une action essentielle dans la lutte contre le terrorisme, car les groupes radicaux se nourrissent du désespoir et de la pauvreté.
- L'accent mis sur les ONG, en particulier les organisations islamiques, renforce leur sentiment d'aliénation vis-à-vis de l'Europe alors que leur position stratégique devrait être utilisée pour promouvoir la confiance, le sentiment d'appartenance et, ainsi, diminuer le risque de radicalisation.
- Les mesures antiterroristes adoptées en Europe et aux États-Unis ont également encouragé d'autres gouvernements, par nature répressifs et totalitaires, à verrouiller davantage encore leur système. Les exemples les plus frappants sont ceux de la Russie, du Soudan, du Pérou et du Zimbabwe, où le terrorisme et une inquiétude générale vis-à-vis des risques de terrorisme ont été utilisés pour restreindre les libertés de la société civile. Les OSC de ces pays font face à un double phénomène préjudiciable. Elles sont contraintes, d'une part, à opérer dans un environnement extrêmement restrictif et souvent dangereux. Elles sont, d'autre part, de plus en plus privées de soutien financier et moral de la part des OSC du Nord, qui craignent de coopérer avec elles.
Les ONG sont la manifestation d’une société ouverte et dynamique. Elles jouent un rôle important à travers leur action auprès des populations. Elles contribuent à empêcher la radicalisation et à créer un lien entre les différentes communautés. Les ONG doivent donc être considérées comme un élément de la solution et traitées en tant que telles. Nous ne pourrons pas, sans cela, évoluer vers le monde démocratique et ouvert à la participation du plus grand nombre que nous prétendons défendre.
Maxi Ussar est consultant pour Cordaid. Pour plus d’informations, veuillez contacter : maxi_ussar@yahoo.co.uk
Source: CONCORD Flash - Avril 2007.
Consultez aussi les dossiers Euforic sur la coopération de l'Europe et sur la société civile
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