Concord Communiqué de Presse, 30 septembre 2008.
Intervention d’Henri Rouillé d’Orfeuil, CONCORD et Coordination SUD, devant le Conseil informel des ministres en charge de la coopération internationale
Nous sommes très honorés, Monsieur le Président, Messieurs et mesdames les ministres, d’intervenir devant votre Conseil. Nous intervenons avec Alex Wilks au nom de CONCORD, la confédération des ONG européennes, qui regroupent les PFN d’ONG et des réseaux thématiques européens, soit près de 1600 ONG et quelques millions de citoyens, membres de ces associations.
Si nous sommes ici, c’est d’abord pour transmettre des messages de nos partenaires des pays du Sud – associations de citoyens, organisations paysannes, groupes de femmes… En effet, aux difficultés que nous connaissons de longue date ou, plus récemment, dans le cadre des crises énergétique ou alimentaire, s’ajoute une inquiétude, un sentiment d’abandon, celui de constater qu’avec la crise financière, qui se déroule sous nos yeux, les pays riches font peu de cas des pays les plus pauvres qui pourtant sont d’autant plus touchés que leurs capacités de résistance et de réaction est très affaiblie. Dans ce contexte d’incertitudes, l’expression d’une solidarité internationale est essentielle… et d’abord d’une solidarité financière.
Je voudrais profiter de l’occasion qui m’est offerte pour vous adresser quatre messages.
Le premier message est politique : les chefs d’Etat doivent aller à Doha, particulièrement le président en titre de l’Union européenne, le président Sarkozy. La proposition de réunir une conférence internationale sur la refondation d’un système financier international et de mobiliser les membres du G8 montre la mobilisation de nos hauts responsables. On ne peut pas parler de la crise en continue, jongler avec des centaines de milliards de dollars et ne pas se déplacer lorsque l’on parle de financement du développement. Doha doit faire parti des lieux et des moments importants de l’effort de concertation internationale pour faire émerger un nouveau système financier.
Le deuxième message est que dans un contexte de crise, on doit tenir ses engagements. De même que l’on dit aux épargnants qu’on ne les laissera pas tomber, on doit dire aux plus pauvres qu’on ne les abandonne pas. Cela concerne principalement l’Aide publique au développement (APD).
- Il y a des chiffres, notamment le fameux 0,7% du PNB. Mais ces financements ne doivent pas être de la fausse monnaie, justifiée par des statistiques complaisantes. Il en va de la crédibilité de la parole publique !
- Il doit aussi y avoir une exigence de qualité. Les financements doivent être stables, durables et prévisibles. C’est pour cette raison que nous demandons à l’Union et aux pays membres d’établir un calendrier progressif et consolidé entre l’ensemble des pays et l’Union.
- Enfin, il faut des procédures adaptées aux exigences du développement et de la coopération. Nous travaillons avec des partenaires qui expriment des besoins, souvent immédiats. On ne peut laisser passer plusieurs années avant de leur répondre.
Le troisième message concerne les mécanismes innovants de financement du développement. Dans un contexte de crise et de nécessaire reformatage du système financier, on doit prendre des initiatives. On doit chercher des innovations susceptibles de participer à la rénovation nécessaire.
- il faut en premier lieu soutenir les expériences lancées et réussies. Nous souhaitons un soutien de l’Union et des pays européens à l’expérience de la taxe légère sur les billets d’avion, qui n’introduit aucune distorsion entre les compagnies, et qui a permis de collecter en France près de 200 millions d’euros pour l’achat de médicaments et près de 300 millions si l’on additionne les apports des différents pays engagés. Il faut aller au-delà de cette expérience et s’intéresser à d’autres assiettes et d’autres contribuables, notamment à ceux qui peuvent échapper aux fiscalités nationales. Nous pensons surtout à la taxe sur les transactions financières qui s’appliqueraient à des assiettes larges avec des taux modestes. Une telle taxe ne ferait aucun mal au système financier, elle lui serait même plutôt bénéfique et serait une avancée en matière de justice fiscale. Nous savons que ces nouveaux mécanismes ne posent pas de problèmes techniques : ils existent déjà dans différents pays européens et font partis des fiscalités de certains pays. Il s’agit donc de volonté politique et d’initiative diplomatique. Nous souhaitons que l’Europe montre l’exemple et s’efforce de tirer la communauté internationale vers de nouvelles expériences novatrices.
- De nouveaux sujets se sont affirmés depuis la conférence de Monterrey, dont l’ampleur dépasse les capacités de l’APD, même lorsque celle-ci atteindra 0,7% du PNB. Les financements correspondants doivent être additionnels d’autant qu’il s’agit de questions qui sont mondiales, c’est-à-dire bien plus que des questions Nord-Sud. La lutte contre le changement climatique, qui exige des centaines de milliards, nécessite de trouver de nouveaux mécanismes, particulièrement en donnant une valeur économique aux biens publics mondiaux, en occurrence à l’atmosphère, et en vendant des quotas sur un marché ad hoc. Nous souhaitons que 50% des recettes de la vente des quotas d’émission de CO2 servent aux politiques d’atténuation et d’adaptation des pays en voie de développement les plus démunis.
- Autre sujet majeur, la sécurité alimentaire. Nous soutenons les efforts faits pour trouver les moyens de financements nécessaires à une relance des agricultures familiales des pays du sud privés de ressources. Néanmoins nous devons penser à l’avenir de ces agricultures et nous attirons l’attention sur deux recommandations majeures. Premièrement, les producteurs ne participeront au financement des investissements et des innovations que si leurs revenus sont suffisants et prévisibles. Compte tenu des caractéristiques des marchés agricoles, cela rend nécessaire le maintien ou la mise en place d’outils de régulation de ces marchés. Deuxièmement, il y a près de 3 milliards de personnes qui sont liées directement à la production agricole. Il faut éviter à tous prix des hémorragies paysannes massives qui pourraient entrainer un exode de près de 2,7 milliards de personnes. La relance des agricultures familiales doit être conçue avec le souci de l’emploi et du maintien du travail agricole et rural.
Doha ne doit donc pas être ou pas seulement être la commémoration de Monterrey, la conférence doit participer au reformatage du système financier international.
Enfin, le quatrième message concerne particulièrement les ONG. En matière de développement, de gestion de l’environnement ou de démocratisation, il faut mettre au centre de nos raisonnements et des politiques publiques les acteurs de ces évolutions ou des dynamiques qui les fondent. Bien sûr, il y a les acteurs gouvernementaux et les acteurs publics, mais il y a aussi les acteurs sociaux et les acteurs économiques, et dans les acteurs économiques, il y a une très grande majorité d’acteurs modestes, qui s’efforcent de survivre dans des secteurs informels ou peu formels. L’aide au développement doit atteindre ces acteurs qui sont les premiers acteurs du développement et de la lutte contre la pauvreté. Pour ce faire, la coopération non gouvernementale joue un rôle essentiel. Il faut trouver un juste équilibre entre coopération gouvernementale et coopération non gouvernementale, et, aujourd’hui, vue l’évolution des économies, ce ne peut pas être un rapport de 1 à 99% ! C’est aussi une question primordiale de la qualité et de l’efficacité de l’aide et pour les ONG c’est une obligation d’évaluer l’efficacité de leurs propres actions. CONCORD vient d’ailleurs de lancer un processus de réflexion sur la qualité de l’action des ONG. Nous pourrons ainsi rejoindre le prochain High level meeting avec nos propres données et nos propres hypothèses, c’est-à-dire avec une contribution permettent d’accroitre la qualité de notre apport à l’effort commun.
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jeudi, octobre 09, 2008
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