vendredi, novembre 10, 2006

APE : débats publics et priorités de la prochaine Présidence allemande

En octobre 2006, se sont célébrées un grand nombre de manifestations se rapportant aux APE : débutant par la Conférence sur la cohérence politique à Helsinki qui a reconnu le rôle important des ONG dans la révélation d'incohérence, la conférence du Centre Sud à Bruxelles où les ministres du Commerce des pays ACP ont démontré les divergences qui existent dans les négociations et ont proposé une prolongation du délai, l'audience au Parlement européen par les Socialistes européens où le Commissaire Peter Mandelson - qui était assez furieux - a défendu « l'agenda CE intelligent et propre sur le commerce » contre ses adversaires, et la Présidence finlandaise qui a annoncé les résultats du CAGRE sur la politique « Aide aux échanges commerciaux » qui ne répond qu'en partie aux requêtes ACP de fournir des fonds « additionnels » (en faveur du FED) pour les coûts d'ajustement se rapportant aux APE.

Il est surprenant que la révision des APE n'était guère mentionnée lors de ces discussions, malgré un calendrier prévoyant la présentation d'une compilation de six rapports communs sous-régionaux vers la fin de l'année, et l'appel du Conseil ACP à mener une révision inclusive et compréhensive. Le risque d'accepter une mauvaise affaire qui manque de choix renseignés et une compréhension approfondie des impacts s'approche après l'accord du Conseil de l'UE sur un programme d'aide relatif aux coûts d'ajustement se rapportant aux APE, qui constitue un nouvel argument de négociation dans les mains de la CE. Cependant, il est évident qu'aucun programme d'aide ou d'ajustement de coûts compensera jamais les réglements commerciaux qui ne sont pas avantageux pour les économies ACP. Par conséquent, la plus grande délicatesse et davantage d'engagement sont nécessaires par rapport aux propositions de négociation concrètes qui sont sur la table.

Un APE allégé - c'est-à-dire un accord qui se limite aux échanges de produits - pourrait être une option dans une stratégie qui évite le pire. Des flexibilités sous l'article 24 de l'OMC pourraient permettre une asymétrie jusqu'à 70% dans la libéralisation, ou pourrait inclure des moratoires pour la préparation et la prologation des périodes transitoires. Des discussions récentes à l'OMC ont abouti à un nombre croissant de notifications d'Accords commerciaux régionaux (ACR), et à la proposition de soumettre les ACR à des révisions régulières pour faire l'inventaire. Des paramètres de développement serviraient à identifier et à évaluer les critères lors de leur révision. Des critères de développement pourraient s'appliquer sur des engagements de libéralisation, se fondant sur la sécurité alimentaire, la protection d'une industrie naissante, la sécurité de subsistance, et l'égalité des genres. Dans des cas individuels, des exceptions aux engagements de libéralisation seraient justifiées sur la base de préoccupations de développement jusqu'à la fin de leur nécessité et la justification d'une éventuelle libéralisation.

De telles propositions rentreraient dans l'esprit de l'Agenda du développement de Doha et faciliteraient la justification des périodes transitoires arbitraires.

La Présidence UE allemande s'est proposée des objectifs ambitieux visant une « conclusion positive des négociations APE dans les délais prévus » ; tout en soutenant que le risque de l'ouverture des marchés UE à l'Inde, à la Chine, au Brésil et à d'autres pays sera néfaste aux intérêts des ACP. Pour le Présidence allemande, il serait essentiel de proposer un APE amical comme « Tout sauf les armes pour tous (les pays ACP) » , proposition à laquelle les États membres de l'UE devraient s'associer, tout en mettant en place un système de suivi pour le processus APE et sa mise en oeuvre, ainsi que des réformes économiques et politiques contractantes du côté des ACP en faveur d'un accord de développement et de commerce. Ce dernier est considéré comme une opportunité unique pour ces APE qui n'ont pas d'autre instrument alternatif en place qui pourrait être performant dans la chaine de réforme, développement et commerce. En 2007, les négociations seraient dirigées par la promotion du dialogue politique, l'élaboration d'un programme cadre Aide aux échanges commerciaux, et elles devraient être accompagnées par un appui aux politiques structurelles et aux réformes économiques. Mais cela signifierait aussi que toute concession à la flexibilité et à l'asymétrie dans la libéralisation commerciale serait conditionnelle aux engagements des gouvernements ACP en ce qui concerne les réformes économiques et politiques.

L'harmonisation des points de vue des 25 États membres de l'UE sur ce que c'est un APE focalisé sur le développement, constitue un grand défi. Conforme aux Présidences UE antérieures, il y a un consensus sur le mandat exclusif de la Commission à conclure les négociations APE et sur le rôle du gouvernement allemand en ce qui concerne la facilitation d'une conclusion réussie des négociations. Cette position est complémentée par un appel du gouvernement allemand aux ONG pour renoncer à considérer les APE comme un cycle fermé en raison des possibilités disponibles pour influencer et formuler le contenu des APE en tant qu'outils du développement. Cependant, la position défensive et agressive de la CE lors des négociations manque de montrer qu'il y aura des perspectives en faveur des acteurs non-étatiques pour influencer le contenu des négociations. Par surcroît, la possibilité de la révision APE pour s'engager dans une consultation significative avec les parties prenantes ACP de la société civiles telles que les parlementaires, les organisations de paysans et de femmes, et les syndicats, fera bientôt défaut.

Lors de la Présidence UE allemande, plusieurs rencontres se tiendront telle qu'une réunion informelle des ministres de Développement le 13 mars 2007, une réunion GAERC sur le développement les 14-15 mai 2007, une réunion ministérielle ACP-UE en mai 2007 à Bruxelles, et l'Assemblée parlementaire paritaire à Wiesbaden les 23-27 juin.

D'après Atle Sommerfeld, directeur de NCA, une théologie engagée : il faut participer dans la lutte pour la justice économique tout en ayant le courage et le pouvoir de transformer les organismes et politiques commerciaux en instruments de justice.

Cette thématique est aussi chère à Agnès Aboum de WCC : dans une allocution lors d'une rencontre de VENRO à Bonn, elle a fait référence à la vision pan-africaine de Mère Afrique en 1945 : la libéralisation de l'Afrique devra avoir lieu à trois niveaux : à celui de la libéralisation politique (fin du régime de l'apartheid) ; à celui de la libéralisation économique (notre lutte actuelle) ; et au niveau de la libéralisation culturelle et spirituelle (à venir). Une condition à la libéralisation et la justice économiques est le désaveu de la dette et l'annulation appropriée de la dette illégitime et non durable. La libéralisation économique requiert une transformation sociale essentielle et un rééquilibrage des relations entre hommes et femmes, c'est-à- dire de nouveaux cadres politiques pour l'équité et l'égalité dans le développement. Tout appui aux règlements commerciaux devrait se concentrer sur le commerce en faveur des populations et de meilleurs livelihoods. L'Afrique n'est pas un mendiant mais elle souhaite relever tous les défis pour s'engager et d'opérer dans la dignité et le respect.

Le nouveau document de travail de la Commission sur Une Europe compétitive dans une économie mondialisée (SEC (2006) 1230) présente un agenda commercial agressif donnant la priorité à l'harmonisation des approches régulatrices et des règlements de haute qualité, cherche à saisir les marchés dans une intégration verticale de production, et appuie les produits manufacturés dans l'ensemble des exportations UE y compris les produits agricoles soutenus par la Politique agricole commune. Les ALE sont conçus pour renforcer la compétitivité de l'UE et pour concurrencer avec les États-Unis et le Japon, la Corée et les autres acteurs mondiaux dans la formulation ou la prescription d'un régime de politique commerciale moderne qui est compatible avec les propres règlements et régimes commerciaux de l'UE. Les nouveaux ALE doivent être compréhensifs et ambitieux et devrait inclure une libéralisation poussée du commerce de services couvrant tous les modes de fourniture. L'UE se manoeuvrerait dans une position désavantageuse si elle n'essaierait pas d'améliorer les conditions d'investissement dans les accords bilatéraux et de promouvoir des convergences régulatrices avec tous ses partenaires commerciaux.

Ce message est très clair et montre la subordinations des intérêts des pays ACP à l'agenda de l'UE visant la conquête de nouveaux marchés émergents et prometteurs, surtout en Asie et en Amérique latine, et l'harmonisation de règlements commerciaux selos ses propres intérêts.

Pour de plus amples informations, contactez k.ulmer@aprodev.net.

Source : EU News 3 novembre 2006 (APRODEV, CIDSE, Caritas Europa)

Consultez le dossier Euforic sur le commerce ACP

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